Abû ‘Abd Allâh Muhammad ibn Ahmad ibn Abî Bakr ibn Farh al-Ansârî al-Khazrajî al-Andalusî al-Qurtubî naît à Qurtubah (Cordoue) à une date exacte qui nous est inconnue, sous l’ère des Muwâhhidûn (Almohades). Descendant des Ansârs de Médine et plus précisément de la tribu de Khazraj, il grandit dans un milieu modeste, transportant notamment de l’argile pour les potiers dans le but d’assister financièrement sa famille, mais il n’en reçoit pas moins, dès son plus jeune âge, une très bonne éducation à l’andalouse, en étudiant la langue arabe et la poésie tout en mémorisant le Qur’ân. Avec une grande persévérance et une résolution sans failles, il fréquente tous les cercles de science de Qurtubah (Cordoue) et acquiert déjà, dans sa ville natale, un savoir considérable.
Malgré cette passion pour le savoir et l’apprentissage, al-Qurtubî ne peut échapper à son temps – et il est cruel. Alors que la Conquista bat son plein à la suite de l’effondrement du pouvoir almohade, du chaos dans le camp musulman et des assauts répétés et sans cesse plus violents des Castillans, Portugais et Aragonais contre al-Andalus, son père, un agriculteur des environs de Qurtubah (Cordoue), est tué lors d’une expédition croisée contre la ville au début du mois de ramâdan627AH (1230). Six ans plus tard, et après avoir échappé deux fois miraculeusement à des raids castillans en rase campagne, comme il le rapportera dans son tafsîr, al-Qurtubî doit quitter la ville dont il porte le nom, avec l’ensemble des habitants musulmans expulsés, lors de sa chute aux mains de Ferdinand III de Castille, au mois de shawwâl 633AH (1236). L’on ne connaît pas son âge précis à ce stade, mais il est probable qu’il ait alors eu une trentaine d’années ; il est également possible qu’il se soit installé dans une autre ville andalouse encore libre, peut-être Ishbîliyyah (Séville), avant de quitter sa patrie et de prendre la mer en direction de l’Égypte.
Durant les dernières années du règne ayyoubide sur le pays, et peu avant la prise de pouvoir des Mamelouks, al-Qurtubî s’installe dans le grand port d’Alexandrie, qui est alors le premier arrêt coutumier des exilés andalous en Orient. Quoi qu’il soit déjà un savant digne de ce nom à cette époque, il poursuit encore ses études en hadîth et en tafsîr auprès de plusieurs érudits réputés, dans ce pôle du savoir où l’érudition malikite est omniprésente depuis l’arrivée, un siècle et demi plus tôt, du savant andalou Abû Bakr at-Turtûshî, qui y a redynamisé les cercles d’apprentissage sunnites. Quelques années plus tard, enfin, il prend la route du Caire puis s’installe définitivement en Haute-Égypte, au nord d’Assiout et à l’est du Nil, dans la ville de Munyah Banî Khasîb (aujourd’hui, al-Munyâ), où il rendra l’âme le lundi 9 shawwâl 671AH (29 avril 1273).
« C’était l’un des serviteurs vertueux d’Allâh, l’un des savants les plus compétents, et l’un de ceux qui pratiquent le zuhd en ce bas-monde, sans cesse absorbé par les affaires de l’Au-delà, dira ad-Dâwûdî à son sujet ; il consacrait tout son temps aux efforts, aux actes d’adoration et à l’écriture. » Extrêmement scrupuleux dans les affaires de la Religion, connu pour son humilité et la modestie de son mode de vie et de sa tenue, al-Qurtubî était encore, selon adh-Dhahabî, « un imâm versé dans de nombreuses branches de l’érudition, un océan de savoir dont les œuvres témoignent de la richesse de ses connaissances, de l’ampleur de son intelligence et de la supériorité de ses mérites. » Juriste, exégète et muhaddîth de croyance ash’arite, la qualité de ses écrits et le nombre de ses étudiants dénotent en effet, sans le moindre doute, la finesse de son esprit, sa sagacité et sa profonde compréhension.
Parmi ses œuvres majeures, la plus célèbre est sans aucun doute son éminent tafsîr, l’un des commentaires coraniques les plus volumineux, complets et populaires : al-Jâmi’ li-Ahkam al-Qur’ân, un trésor de science qu’il a probablement débuté dans sa péninsule natale avant de l’achever en Égypte. Si l’objectif premier de ce tafsîr était de résumer l’interprétation des versets relatifs aux injonctions légales (ahkam) et autres règles juridiques, al-Qurtubî y disserte aussi sur tout l’éventail des sciences coraniques – explication de versets et de mots rares ou difficiles, élégance du style et de la composition, entre autres. L’on compte encore, parmi ses ouvrages les plus réputés et lus, un recueil encyclopédique sur la mort, la tombe, la vie de l’Au-delà, la Résurrection, le Jugement dernier, le Paradis, l’Enfer et les signes de la fin du monde, at-Tadhkirah fî Ahwâl al-Mawtâ wa Umûri al-Akhira ; une exégèse des Quatre-vingt-dix-neuf Noms d’Allâh, al-Asnâ fi Sharhi Asmâ’ Allâh al-Husnâ ; un épître traitant des vertus du Qur’ân, des convenances du musulman avec le Livre d’Allâh et des diverses dimensions des sciences coraniques, At-Tadhkâr fî Adfal al-Adhkâr ; ou encore une réfutation des doctrines de la religion chrétienne, al-I’lâm bi mâ fî Dîn an-Nasârâ min al-Mafâsidi wa-l-Awhâm wa Izhâru Mahâsini Dîn al-Islâm.