Shakîb Arslân – Avant-propos

Shakîb Arslân : ce nom paraîtra sans doute obscur, voire inconnu, à nombre de lecteurs musulmans contemporains. Et pourtant, nous vivons tous un peu dans le monde que son œuvre a engendrée – un monde où les musulmans à travers le monde peuvent, en l’espace d’une soirée, se soulever, s’indigner, manifester, s’engager pour un événement touchant leurs frères de foi à des milliers de kilomètres de chez eux. Précurseur de l’activisme médiatique panislamiste[1], le prince libanais fut en effet le premier à mettre les nouvelles opportunités offertes par la modernité au service de la cause – du moins autant, et aussi bien. Prince des militants, journaliste émérite, pamphlétaire et polémiste flamboyant, homme de lettres salué par ses pairs qui lui octroieront le titre d’Amîr al-Bayân – le « Prince de l’Éloquence » – et la présidence de l’Académie arabe de Damas, poète à ses heures perdues et diplomate ou conspirateur à l’occasion,personne ne savait mieux que lui sensibiliser, émouvoir, convaincre, façonner l’opinion publique comme les esprits des puissants. Éternel révolté au croisement de la Salafiyya[2] et du nationalisme[3], il faisait partie de ces hommes ayant mis leur nom, leur rang, leur érudition, leur éloquence, leur vie tout entière au service d’une mission transcendante – avec une intégrité indiscutable qui lui vaudra de passer les dernières décennies de sa vie loin des siens et de sa terre, accablé par les dettes, le mal du pays et les tracasseries administratives.

« Publiciste célébré dans tout l’Islâm comme le conseiller politique de la communauté musulmane »[4], « prophète et tribune du panarabisme »[5], « force formidable dans la politique moyen-orientale et nord-africaine, la pensée arabo-islamique et la diplomatie internationale »[6], « tacticien du mouvement nationaliste marocain »[7], il exerce, à compter de la fin du 19ème siècle mais surtout au cours de l’entre-deux-guerres, une extraordinaire influence sur la vie politique, diplomatique et intellectuelle du monde arabe et de la Ummah. Parlant couramment le français, l’arabe et le turc, disposant d’une maîtrise honnête de l’anglais et de l’allemand, il est l’auteur musulman le plus lu et le plus prolifique de son temps : une vingtaine de livres, plus de deux mille articles et des dizaines de milliers de lettres[8] portent ainsi sa signature. Balayons toutefois d’entrée l’impression que les chiffres pharamineux de cette volumineuse production écrite n’auront pas manqué de provoquer chez le lecteur : Shakîb Arslân n’était pas un penseur de salon, la tête enfouie dans ses livres ; c’était un homme d’action qui n’aura de cesse de s’engager directement sur le terrain et de peser sur les événements, de son engagement volontaire sur le front libyen à sa mission de paix dans les montagnes du Yémen.

La vie de Shakîb Arslân est d’autant plus passionnante qu’il en a, en réalité, vécu deux : celle du notable ottoman engagé dans une lutte intransigeante pour la survie de l’empire qui l’a vu naître et qui a fait de lui ce qu’il est ; puis celle de l’activiste exilé qui, ayant perdu sa terre, s’offre au monde et peut devenir le porte-parole universel des aspirations de tous les peuples musulmans de l’Atlantique au Pacifique. Au cours de ces deux vies fort différentes dans la forme mais convergentes dans l’esprit, l’on discerne un inébranlable fil conducteur de son engagement : l’Islâm, toujours, envers et contre tout – sa préservation, sa dignité, son indépendance, sa gloire, son unité. Contrairement à nombre de ses pairs en ces temps de questionnement idéologique, Shakîb Arslân n’en a jamais dévié ; dans la tourmente et dans l’épreuve, pas un seul instant il n’a hésité ni tremblé ; dans les méandres les plus obscurs de son long exil, jamais il n’a défendu d’autre doctrine, ni même songé à en changer ou à atténuer la fougue de sa plume pour obtenir la reconnaissance du pouvoir que ses talents auraient dû lui valoir. De sa jeunesse au sein du califat ottoman jusqu’à son ralliement à la cause arabe et à sa mort dans un Liban fraîchement indépendant, il aura été le porte-étendard des mêmes idées, l’avocat de la même fidélité à l’Islâm orthodoxe, le partisan exalté de la même fraternité de la foi.

Prince féodal de noble naissance et jeune homme brillant ayant bénéficié d’une éducation moderne à l’européenne, il est naturellement attiré, dès son plus jeune âge, par le réformisme islamique – le changement dans la tradition. Disciple de Muhammad ‘Abdûh, admirateur de l’activisme panislamique de Jamâl al-Dîn al-Afghânî, ami de toujours du théologien Rashîd Ridâ, il n’a pas vingt ans quand il embrasse cette cause qu’il n’aura de cesse de défendre contre les menaces intérieures et les agressions extérieures. Abdülhamid II, Enver Pasha et Ibn Sa’ûd furent tour à tour ses héros ; Atatürk, les penseurs arabes laïques et les colonisateurs de tout poil, ses ennemis intimes. La solution aux nombreux malheurs du monde musulman, il la voyait dans une philosophie politique que l’on pourrait qualifier de nationalisme islamique, mêlant anti-impérialisme, Salafiyya et volonté de préservation culturelle et religieuse – jamais, au grand jamais, dans le nationalisme ethnique ou géographique, dans l’imitation servile de l’Occident ou dans la sécularisation. Ses deux principaux objectifs étaient l’indépendance et la libération de toutes les terres d’Islâm, d’une part, et la reconstruction d’une véritable société islamique revivifiée et fondée sur la fidélité aux commandements authentiques du Qur’ân et de la Sunna, la solidarité communautaire et le retour à l’état d’esprit de l’âge d’or des Compagnons du Prophète ﷺ, d’autre part. Son désir le plus intime était unique : remettre de l’ordre et de la justice dans un monde fondamentalement inique et plongé dans le chaos.

De la fin du 19ème siècle à la Seconde Guerre mondiale, son existence est l’histoire d’une lutte sans relâche pour la survie de cette civilisation qu’il a juré de défendre jusqu’à son dernier souffle. Né au crépuscule du sultanat ottoman, dans un monde sur le point de s’effondrer, les circonstances ne lui laissent de toute façon guère le choix : il faut se battre. Dans cet empire à bout de souffle mais bien plus tenace et résistant qu’on ne le pense souvent, il choisit son camp sans ambiguïté aucune : compagnon de route loyal et dévoué du calife Abdülhamid II puis des Jeunes-Turcs, il prend part à la défense de cette mère-patrie qu’il voit comme le bouclier de l’Islâm – par les armes, la plume, la diplomatie, la politique. Au Parlement comme sur le champ de bataille, dans les tentes du Croissant-Rouge comme dans les coursives des ambassades, il ne faiblit jamais, jusque dans les moments les plus durs, et fait preuve d’une abnégation sans faille qui force le respect même de ses plus farouches ennemis. Et puis, pour cet homme qui a vécu jusqu’à ses cinquante ans dans un État sinon puissant, du moins indépendant, la chute de la Sublime Porte, balayée par le vent de l’Histoire, le démembrement du Moyen-Orient et l’abolition du califat auquel il a dédié sa vie sont un profond traumatisme. Après un demi-siècle de bons et loyaux services, se voir violemment projeté dans un nouveau monde tout à fait différent – celui de la partition imposée, des accords Sykes-Picot, de la déclaration Balfour, de l’occupation étrangère – et banni de sa terre natale et de la chaleur des siens en auraient abattu plus d’un. Pas Shakîb Arslân.

S’il met plusieurs années à enterrer définitivement son passé ottoman, de son exil en Suisse, il réinvente avec une résilience peu commune son propre rôle en même temps qu’il reformule son panislamisme originel à la lumière des nouvelles circonstances de son temps. Entre-deux-guerres, il est ainsi engagé sur tous les fronts : l’indépendance de son Shâm[9] natal, la libération du Maghreb écrasé par la France, l’organisation balbutiante de la communauté musulmane naissante en Europe, la lutte contre la colonisation sioniste en Palestine, la négociation d’une alliance avec une grande puissance contre les colonisateurs français et britanniques, la critique idéologique du kémalisme et des autres mouvements laïcisants, la dénonciation des atrocités italiennes en Libye ou des offensives missionnaires chrétiennes. Il n’est pas un danger qui menace l’Islâm et les musulmans sans qu’il ne le dénonce, pas un homme qui se lève en leur faveur sans qu’il ne le salue, ne lui écrive, ne le conseille, pas une méthode d’action sans qu’il ne la fasse sienne – des campagnes de presse au lobbying à la Société des Nations en passant par la fondation de groupes politiques, l’organisation de congrès, les négociations secrètes. À travers sa revue francophone La Nation Arabe ou les journaux égyptiens, cet indomptable champion de la Ummah dans son ensemble fait connaître les luttes des uns aux autres et assouvit ce qu’il a toujours conçu comme sa mission personnelle : réunir par la plume ce monde musulman que les circonstances ont désuni – propager partout le sentiment d’une lutte commune autour de la notion de solidarité islamique.

Sous le feu des projecteurs de la fin de son adolescence – ses premiers textes paraissent dans la presse dès ses quatorze ans – à sa mort, Shakîb Arslân attire comme un aimant l’attention, la controverse, les haines les plus profondes comme l’admiration la plus dithyrambique. Avec un talent certain pour l’autopromotion et sans doute un brin de narcissisme habilement mis au service de la cause, il sait mieux attirer la publicité que personne et flaire toutes les opportunités médiatiques de faire avancer les thèses qu’il défend. Infatigable voyageur, ses pérégrinations sur tous les continents – en dépit des nombreuses restrictions imposées par les puissances coloniales – et le rang de ses interlocuteurs font de lui un homme qui compte à l’échelle du monde : Ibn Sa’ûd le mène dans sa voiture personnelle de Jeddah à Makkah, Mussolini l’invite à Rome, Trotsky le reçoit à Moscou, le roi Faysal ou David Ben Gourion viennent déjeuner chez lui à Genève, les hauts responsables coloniaux français ou britanniques accordent le plus grand intérêt à ses opinions, les jeunes musulmans le célèbrent dans des salles combles à Tanger, Jérusalem ou Paris.  Les appareils de propagande occidentaux – et surtout la presse parisienne – ajoutent à sa légende en le présentant comme le grand chef d’orchestre de tous les mouvements qui se dressent contre leur impérialisme ; son exil contraint en Europe fait de lui un martyr vivant. Partout où il passe, de Tétouan au Yémen et de Sarajevo à Détroit, il fait sensation, mobilise les esprits, gagne de nouveaux disciples, séduit par son charisme, son éloquence innée, sa vision pratique et sans fioritures du renouveau.

C’est une source d’inspiration, une personnification de la résistance, un symbole à l’impact d’autant plus remarquable qu’il n’a jamais bénéficié du soutien constant d’un quelconque État ou appareil politique. « Fer de lance de la conscience islamique dans un monde hostile »[10], il actualise les principes de l’ancien temps à l’ère de la colonisation et de la modernité et s’octroie un rôle de pivot entre le passé, le présent et le futur qui fait toute la pertinence de son message. En reformulant ses idées panislamiques de toujours dans le nouveau contexte du monde post-1918 pour mieux le façonner et le transformer, il devient l’incarnation de quelque chose de plus grand que lui – l’aspiration à la dignité, à l’indépendance et à la renaissance de centaines de millions d’âmes.  Dans la compétition idéologique entre nationalismes locaux, (pan)arabisme et (pan)islamisme, occidentalisation et préservation culturelle, sécularisation et ordre islamique, Arslân s’impose au centre du débat d’idées par sa recherche d’une synthèse de l’action. Mentor de toute une génération de militants maghrébins, ami de tous les grands penseurs islamiques et de tous les souverains musulmans de son temps, interlocuteur inévitable des puissances européennes dans leurs relations avec les Arabes, Shakîb Arslân établit un réseau transnational sans précédent grâce à son extraordinaire don pour les relations humaines, ses talents littéraires et journalistiques, son magnétisme personnel, son pragmatisme idéologique. Du monde arabe à l’Europe, il influence ainsi les oulémas comme les jeunes nationalistes, les militants anticoloniaux et les mouvements indépendantistes de toutes sortes, parle à tout le monde, oriente et guide tous ceux qui prennent la peine de lui écrire – et ils sont nombreux. Aussi moderne dans son approche et ses méthodes que conservateur dans son style personnel d’aristocrate ottoman au fez, au style littéraire et aux manières impeccables, il fait figure de patriarche, de figure paternelle rassurante dans un monde bien incertain. Alors même qu’il ne peut vivre dans aucun pays arabe, régulièrement banni par les autorités françaises ou britanniques, ses idées et sa personne sont ainsi centrales dans toutes les controverses, toutes les questions politiques majeures du moment.

Si Shakîb Arslân connaît alors une telle popularité, c’est aussi parce qu’en s’emparant des questions majeures de son temps et en leur donnant des explications et des solutions islamiques, il répond pleinement à un mouvement de fond au sein de l’intelligentsia arabo-musulmane autant qu’aux sentiments profonds des masses : c’est l’époque où al-Manâr est la revue la plus lue des élites religieuses, où l’Association des Oulémas renouvelle de fond en comble le paysage spirituel algérien, où les Frères Musulmans attirent des millions de membres en Égypte, où la Salafiyya s’enracine du Maroc à l’Indonésie et où le souvenir de l’unité ottomane est encore loin d’avoir disparu des esprits. Des élites souvent éduquées à l’occidentale mais attachées à l’Islâm et à leur identité culturelle aspirent à une vision du monde qui puisse concilier religion et modernité, à une orientation tactique qui leur montre concrètement comment l’Islâm et sa civilisation peuvent revenir en force sur la scène du monde sans se renier. Le peuple, pour sa part, conserve un attachement viscéral à la religion sans guère se soucier des États-nations à peine formés : dans cette ère de transition, le nationalisme laïque, s’il est déjà bien présent, ne deviendra véritablement dominant qu’après la mort de Shakîb Arslân, avec l’ascension de Nasser et du parti Ba’ath dans le monde arabe. Hier comme aujourd’hui, les références du prince libanais à la grandeur perdue d’al-Andalus ou des Ottomans, son message de résistance islamique globale à l’envahisseur européen, son appel à une régénération interne, ses thèses selon lesquelles le panislamisme reste et demeure la seule réponse efficace et réaliste à la situation calamiteuse de la Ummah trouvent écho chez une grande partie des croyants.

À la fois intransigeant sur les principes et flexible sur les modalités, Shakîb Arslân est d’autant plus lu et écouté qu’il est, par nature, fin et réaliste et sait parfaitement s’adapter à l’ère de bouillonnement intellectuel et d’expérimentation politique qui est la sienne. Aux yeux de cet homme qui se désintéresse volontairement des détails théologiques et abstraits, les musulmans n’ont pas de temps à perdre dans des débats futiles et des querelles mesquines : ils ont besoin d’actions immédiates, de réformes concrètes. « Il vaut mieux vivre dans une maison non-aménagée que dans le désert ; une tente est préférable à l’absence de toit ; et le travail imparfait est meilleur que l’inactivité »[11] écrit-il ainsi pour résumer sa méthode. Point, chez lui, de solutions utopiques ou déconnectées des réalités du moment : la coopération mutuelle qu’il appelle de ses vœux ne se double pas d’un modèle politique contraignant ; les actions auxquelles il exhorte ses coreligionnaires sont simples, tangibles, efficaces.

Concluons cet avant-propos en disculpant Shakîb Arslân d’une accusation bien trop répandue à son égard : contrairement à la légende noire qu’une certaine propagande a cherché à dresser autour de lui, il n’était pas un ennemi intrinsèque de l’Europe, ni même de la France. Amoureux de la langue de Molière et de la littérature allemande, il n’hésitait jamais à saisir une main tendue, qu’elle vienne de diplomates berlinois, de militants anticoloniaux de la gauche française ou espagnole, ou même du despote italien Benito Mussolini. Mais c’était un homme de principe : « Je me lève contre l’injustice et l’inhumanité partout où je les rencontre »[12] proclamait-il dans La Nation Arabe. « Les puissances coloniales ne doivent pas avoir la naïveté de croire que les mouvements de résistance patriotiques peuvent être étouffés par la violence, la répression, les meurtres, l’exil ou la prison, abondait-il encore. Tous ces moyens n’ont pour effet que d’attiser davantage d’aversion chez les musulmans. L’ennemi ne pourra parvenir au rétablissement de l’ordre qu’en se comportant avec justice. »[13] La justice : tel était son maître-mot. L’espoir, aussi – car Shakîb Arslân en était intimement persuadé : « Tous les peuples se dirigent vers la liberté, y compris les musulmans. »[14] Des signes d’espoir en un futur plus radieux, il en voyait dans le renouveau intellectuel et religieux de la Ummah, dans la ténacité de la résistance palestinienne ou dans le succès de sa mobilisation contre le dahîr berbère, marque de la naissance d’une conscience islamique moderne transnationale, mais aussi dans la formidable vitalité démographique des musulmans – symbole, s’il en est, de confiance en l’avenir face à des colonisateurs vieillissants.

Il est bien des leçons à tirer de la carrière et des idées de Shakîb Arslân – nous y reviendrons dans l’épilogue – mais celle-ci, qu’il exprime en conclusion de son plus célèbre ouvrage, est peut-être la plus cruciale de toutes :

« Ce qui nous nuit, ce sont le pessimisme, la résignation et le désespoir. Affranchissons-nous donc du désespoir et allons de l’avant. Sachons que nous atteindrons chacun de nos souhaits par l’action, la persévérance, l’esprit d’initiative et par la mise en œuvre des corollaires de la foi explicités dans le Qur’ân : ‘Ceux qui luttent pour Notre cause seront certainement guidés vers le droit chemin. Allâh, en vérité, soutient toujours les hommes de bien.’[15] »[16]

Notes

[1] Plus qu’une idéologie aux contours bien définis, nous définirions ici le panislamisme – du moins, celui de Shakîb Arslân – comme un sentiment, un idéal de fraternité et de solidarité islamique fondé sur la notion de Ummah (ou communauté universelle des croyants, indépendamment de la langue, de l’ethnie ou de la nationalité) et devant se matérialiser par des actions concrètes (alliances politiques et militaires, soutien financier mutuel, échanges intellectuels et culturels, rejet de la division face à l’ennemi commun, notamment).

[2] Ce terme, ici utilisé dans son sens historique, n’est pas à comprendre au sens étroit qu’il a pris à notre époque, où il fait référence à des groupes de pensée et à des courants théologiques à l’identité très marquée et aux principes théologiques clairement définis. Le terme « Salafiyya » désignera, dans le cadre de cet ouvrage, l’ensemble du phénomène réformiste marqué par une volonté de renouveau islamique à travers le retour aux Textes, à l’exemple des premières générations de musulmans et à un Islâm authentique (diversement interprété) – une tendance aussi bien opposée au traditionalisme visant à préserver l’ensemble du système alors en place qu’au modernisme laïque d’inspiration occidentale, hostile à l’influence de la religion sur le gouvernement et la société.

[3] Notons ici que le terme « nationalisme » n’est pas utilisé dans cet ouvrage dans le sens qu’on lui connaît communément de nos jours – celui d’une idéologie exaltant la nation au-dessus de toute autre valeur ou allégeance (y compris l’Islâm). Le nationalisme dont se réclamait Arslân était simplement une volonté d’indépendance et de libération des peuples colonisés, comme il s’en expliquait ainsi lui-même : « Le nationalisme oriental n’est comparable ni dans sa forme ni dans son fond à celui de l’Occident qui, en général, est d’un caractère offensif, tandis que le nationalisme oriental (…) n’a aucunement des visées conquérantes. Il ne vise que le recouvrement de la liberté des peuples qui souffrent sous la domination étrangère. » (La Nation Arabe, juillet-septembre 1932)

[4] J. Desparmet, ‘La résistance à l’Occident’, L’Afrique française, XLIII, mai 1933.

[5] Louis Jalabert, ‘Dans le Maghreb qui bouge’, Études, 5 mai 1938.

[6] William L. Cleveland, Islam against the West: Shakib Arslan and the Campaign for Islamic Nationalism (1985).

[7] John P. Halstead, Rebirth of a Nation: The Origins and Rise of Moroccan Nationalism, 1912-1944 (1967).

[8] L’on nous rapporte en effet qu’il écrivait mille cinq cents à deux mille lettres par an, soit quatre à six par jour. Cette incessante correspondance était fréquemment interceptée par les services de renseignements occidentaux, qui ont compilé de volumineux dossiers d’archives sur toutes ses activités : il s’agit, ironiquement, d’une source d’information inestimable sur la vie et les contacts de Shakîb Arslân. 

[9] Nous emploierons dans cet ouvrage le terme « Shâm » pour désigner ce que l’on nomme communément en langue française la « Grande-Syrie », à savoir la province historique qui comprend les États modernes de Syrie, du Liban, de Palestine et de Jordanie (ainsi qu’une partie de la Turquie) – selon la conception islamique classique, qui était celle de Shakîb Arslân.

[10] William L. Cleveland, Islam against the West: Shakib Arslan and the Campaign for Islamic Nationalism (1985).

[11] Lettre de Shakîb Arslân à Muhammad Dâwûd, 31 janvier 1933.

[12] La Nation Arabe, janvier-février 1935.

[13] Shakîb Arslân, Limâdhâ tâ’akhar al-muslimûn. Les citations de ce livre dans le présent ouvrage sont tirées de la traduction française (Les causes du retard des musulmans aux éditions al-Hadîth), légèrement remaniées à l’occasion.

[14] Lettre de Shakîb Arslân à Muhammad Dâwûd, 21 août 1931.

[15] Al-‘Ankabût, 29/69.

[16] Shakîb Arslân, Limâdhâ tâ’akhar al-muslimûn.

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