Abû al-Qâsim Muhammad ibn Ahmad ibn Juzayy al-Kalbî naît à Gharnâtah (Grenade) en l’an 693AH (1294), sous l’ère des Nasrides, alors qu’al-Andalus est déjà réduite à une modeste portion de ce qu’elle avait été durant l’apogée des Omeyyades et se concentre autour des métropoles florissantes que sont la capitale de Gharnâtah (Grenade), Malâqah (Malaga) et al-Mariyyah (Alméria). Descendant de la tribu yéménite des Banû Kalb, Ibn Juzayy grandit dans une famille noble et distinguée de grands érudits et reçoit, dès son plus jeune âge, une éducation des plus fines dans les sciences islamiques ; bien vite, il passe maître dans les disciplines majeures que sont la langue arabe, la jurisprudence (fiqh) et ses fondements, la science du hadîth et l’exégèse du Qur’ân (tafsîr), de même que la littérature et l’adab.
Nommé très jeune khâtib de la grande mosquée de Grenade, son savoir et sa compréhension sont reconnus de tous ses pairs, de même que sa piété, sa sincérité et sa dévotion envers l’Islâm sont notoires auprès du peuple. Parmi ses élèves, l’on compte ainsi le célèbre Lisân ad-Dîn ibn al-Kâtib, polymathe, ministre et poète de Gharnâtah (Grenade), sans doute l’un des plus grands esprits d’al-Andalus, de même que son propre fils Abû ‘Abd Allâh Muhammad ibn Juzayy al-Kalbî, connu pour avoir été le scribe des « Voyages » (Rihla) d’Ibn Battuta.
Parmi les œuvres majeures d’Ibn Juzayy, remarquées par leur style empreint de pédagogie et de maîtrise remarquable des sujets traités, les plus célèbres sont sans doute le manuel de jurisprudence dont il est ici question, Al-Qawânîn al-Fiqhiyyah, ainsi que son exégèse du Qur’ân, At-Tashîl li ‘Ulûm at-Tanzîl. L’on compte encore son épître sur la croyance, An-Nûr al-Mubîn (« La lumière éclatante des fondements de la croyance religieuse ») ; son recueil de hadîths sur l’ensemble des sujets de la Religion, tels que le droit, la croyance, les transactions ou la spiritualité, Al-Anwâr as-Saniyya fi-l-Alfâdh as-Sunniyya ; son livre sur les fondements de la jurisprudence (usûl al-fiqh), Taqrîb al-Wusûl ilâ ‘Ilm al-Usûl, et plusieurs autres ouvrages disparus sur des sujets tels que la lecture coranique du Qur’ân ou encore un résumé du Sahîh de Muslim.
Au-delà de cet héritage impressionnant d’érudition religieuse, Ibn Juzayy est aussi un savant engagé dans les affaires de son temps qui prend activement part à la défense du Dâr al-Islâm et de sa patrie et aux combats frontaliers, dans un contexte de guerre défensive quasi-permanente contre la Conquista, qui tente alors d’achever la phase terminale de la destruction d’al-Andalus. C’est dans ce cadre qu’il tombe martyr à la triste bataille de Târifa (Rio Salado) en 741AH (1340), dans les rangs de la grande coalition musulmane composée des troupes maghrébines des Mérinides et de l’armée andalouse des Nasrides, contre les forces castillanes et portugaises – un désastre militaire décisif durant lequel disparaissent des dizaines de milliers de musulmans, dont la majeure partie des élites religieuses d’al-Andalus de ce temps.